L’ombre chinoise plane sur le Zimbabwe
Mercredi 15 novembre 2017 l’armée zimbabwéenne procédait à ce qui est largement considéré comme un coup d’État contre le président Robert Mugabe et sa famille, laissant planer des doutes sur l’issue politique de cette intervention. La visite du commandant en chef de l’armée zimbabwéenne, Constantino Chiwenga, en Chine la semaine dernière pose la question du rôle de la Chine dans ce coup d’État. La Chine possède, en effet, de nombreux intérêts économiques et financiers au Zimbabwe, qui donnent à cet État une importance géopolitique non négligeable dans la conquête de la Chine par l’Afrique.
Des liens historiques renforcés
Les liens qui unissent la Chine et le Zimbabwe sont parmi les plus forts et les plus anciens sur le continent africain. Alors que la Chine intensifiait ses relations avec l’Afrique subsaharienne dans les années 1990, le Zimbabwe était déjà son principal partenaire depuis 1980. La Chine avait, en effet, soutenu le mouvement du futur président Mugabe contre ses rivaux et les blancs rhodésiens. Alors que les Occidentaux se sont massivement détournés de ce pays enclavé à cause des très nombreuses atteintes au droit de l’Homme perpétrés par le régime, la Chine a tiré parti de sa présence pour en faire le laboratoire de son intervention économique en Afrique. Elle a, en particulier, investi les secteurs agricole et minier, qui sont au cœur de l’économie zimbabwéenne. En 2003, la Chine a lancé un investissement considérable pour moderniser l’agriculture du pays et développer la culture du maïs. Elle finance également la production de tabac, dont elle est le premier consommateur mondial, en accordant des prêts à taux zéro et importe 54% de la production zimbabwéenne. La Chine a, qui plus est, investi 300 millions de dollars dans le secteur minier, et notamment dans l’extraction de fer, de chrome et de platine, ainsi que de diamants, dont le Zimbabwe est le 8e producteur mondial. Avec 600 millions de dollars d’IDE en 2013, le Zimbabwe est la 3e destination d’IDE chinois en Afrique, tandis que la Chine est le premier client du Zimbabwe.
Cette implication considérable de la Chine dans l’économie zimbabwéenne a conduit à une dépendance croissante de cette dernière aux volontés chinoises. Ainsi, lorsque le gouvernement zimbabwéen a introduit une mesure d’expropriation d’une partie des actifs des compagnies étrangères dans le secteur minier, la Chine a été épargnée. En échange de nombreux « cadeaux », dont un parlement flambant neuf, une remise de dette de 40 millions de dollars ou une promesse d’investissements de 1 milliards de dollars dans la principale centrale électrique du pays, la Chine a obtenu que le yuan devienne la monnaie officielle du Zimbabwe. Si l’économie zimbabwéenne venait à faire de nets progrès, cela pourrait inciter d’autres pays africains à se tourner vers la Chine, et renforcerait encore le poids géopolitique d’une Chine déjà bien présente en Afrique.
La position chinoise en Afrique reste fragile
Toutefois, le Zimbabwe est aussi un exemple de la fragilité chinoise en Afrique. Au Zimbabwe, comme ailleurs en Afrique, la Chine est la cible favorite des groupes d’opposition au régime en place. Le candidat de l’opposition, Morgan Tsvangirai, avait ainsi promis lors de l’élection présidentielle de 2013 de sévir contre les entreprises minières chinoises. Si la Chine est appréciée pour le développement d’infrastructures, la population zimbabwéenne est la cinquième plus critique à son égard, et les dénonciations de néocolonialisme sont monnaie courante. Les tensions internes au parti gouvernemental, le Zanu-PF, à propos de la succession de Mugabe pourrait également poser problème à la Chine. Il semble ainsi probable que la Chine, inquiète d’un conflit larvé entre factions, ait soutenu une solution de stabilité. Elle aura manifestement préféré le vice-président déchu, Emmerson Mnangagwa, formé militairement en Chine, et une armée acquise à son soutien, à une Grace Mugabe plus hostile aux intérêts chinois.